La symbolique des Portes de Tombouctou
Suite à mon voyage à Tombouctou, un deuxième article était prévu pour expliquer quel message se cachait derrière les portes et les fenêtres de la ville de Tombouctou.
Quiconque ayant visité Tombouctou ou tout simplement vu les photos s’est dit : c’est original, ces portes et ces fenêtres. Et ceux qui ont visité les pays du Maghreb, surtout le Maroc, auront remarqué la ressemblance avec l’architecture de Tombouctou.
Un métier qui se transmet de père en fils…
Diamtendé est une famille, à Tombouctou, qui est la seule autorisée à produire les portes et les fenêtres de la ville. Diam fait référence aux spécialistes qui font le travail de fer et du bois.
C’est une famille que Kankou Moussa aurait amenée au moment de la construction de la grande mosquée de Djingari Ber en 1325. La construction de la mosquée a duré pendant cinq ans. Kankou Moussa, au cours de ses voyages, amena un architecte du nom de El Saheli, des Égyptiens spécialisés dans la maçonnerie et des menuisiers yéménites. Ils avaient pour mission de construire les portes et les fenêtres de la grande mosquée Djingari Ber. Les Tombouctiens avaient été séduits par l’architecture, la beauté et leur manière de travailler, alors ils convainquirent ces artistes de rester et de dorénavant faire les portes de la ville. Seule cette famille a le droit de confectionner des portes et des fenêtres de Tombouctou. C’est un métier qui est devenu héréditaire.
L’histoire derrière ces chefs d’œuvres…
A Tombouctou, tous les étrangers qui viennent et les habitants essaient d’imiter ce qui est bon et rejettent ce qui est mauvais parce que tout n’est pas bon à prendre chez l’autre. Ce sont des portes qui ont été modifiées, elles ne sont pas similaires à celles de l’Egypte ou du Yémen mais les modèles en sont inspirés.
On appelle ces portes Algadou Gambou. La grande partie en fer représente la mère dans une famille, en dessous, le cercle le plus petit symbolise les enfants, et le cercle entre les deux représente le père qui est le chef dans une famille et qui veille sur les enfants et la mère.
Personnellement, je pense que le fait que celle qui symbolise la mère soit la plus grande de toutes les pièces de la porte est une manière de mettre en valeur et de montrer la place qu’occupe une femme.

De l’autre côté, nous avons l’oiseau blanc, voyageur qui transmet toujours des messages.

En bas, il y a les pièces en forme de carré avec du rouge à l’intérieur, mais qui encerclent un autre dessin. Ce symbole met en valeur le social, l’union dans les familles. Le rouge veut dire que quelles que soient les querelles qui peuvent exister entre les membres de la famille ou entre les familles, il ne faut jamais rompre les liens du sang et favoriser la cohésion.

Les autres trous sont l’arrivée des étrangers qui frappent à la porte. On a la possibilité de regarder de l’intérieur qui frappe, et au centre la symbolique du père de la famille ne doit être frappée par personne d’autre que lui.
En plus des portes de Diamtendé, il y a les fenêtres qui ont été confectionnées par les mêmes menuisiers. On les appelle les Fenêtres Jalouses. Elles sont appelées ainsi parce qu’il y a certaines festivités funèbres et religieuses auxquelles les femmes n’ont pas le droit de prendre part. « Elles restent à la maison en essayant d’observer les hommes au travers des différents trous, car naturellement la femme est jalouse et veut toujours savoir ce que les hommes font dehors, » explique Alpha Mahamane Yattara historien et interprète à la MINUSMA de Tombouctou.

Selon l’histoire, elles auraient été mises derrière les fenêtres parce que la femme d’un chef des guerriers Harmas, également fille du chef de l’autre camp, les Songhois, aurait dévoilé le secret des Songhois qui étaient sur le point de finir avec les combattants Harmas. Seuls ses trois fils étaient restés et pour sauver ceux-ci de la mort, elle dévoila le secret du camp de son père au camp de son mari, ce qui leur permit de remporter la bataille. C’est alors que les Songhois ont pris la tangente et se sont réfugiés à Hombori. C’est la raison pour laquelle les femmes ont été mises derrière les fenêtres, car ils disent qu’il ne faut jamais avoir confiance en la femme ou lui confier son secret.
Ces portes et ces fenêtres font aujourd’hui partie du patrimoine culturel national. On en retrouve quelques-unes à Bamako chez les Tombouctiens assez conservateurs qui pour des raisons de travail se sont installés dans la capitale. Toute cette variété et cette science montrent combien Tombouctou est riche, oui très riche en histoires.
Le prochain article qui marquera la fin de la série sur ma visite à Tombouctou parlera de la signification des 333 Saints.
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