Mariage : lorsque la dot contribue aux violences conjugales

Article : Mariage : lorsque la dot contribue aux violences conjugales
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20 novembre 2020

Mariage : lorsque la dot contribue aux violences conjugales

Un des fondements de la société malienne est le mariage. Il est difficile de passer un dimanche ou un jeudi sans qu’il n’y ait de célébration. Mais ils ne sont que la partie visible d’un Iceberg. Il y a plusieurs étapes, dont la dot, pour fiancer la femme. Elles peuvent s’avérer très chères, et cela favorise souvent les violences dans les foyers et le sentiment d’appartenance vis-à-vis de la femme.

C’est quoi, la dot ?

Les mariages faisant partie intégrante de la société malienne, beaucoup de rites et célébrations sont faites avant, pendant et après le mariage. Parmi ces démarches, il y a la dot, la première phase pour conclure les fiançailles. En Afrique, « on utilise dans le langage courant le terme de ‘dot’ pour désigner également cette forme de compensation offerte par le futur époux à la famille de son épouse. »

Plus généralement, la dot désigne l’apport qu’une personne en âge de se marier verse à une communauté de biens (dot monastique, dot ecclésiastique). A la base, cette somme est juste significative, pour montrer son intérêt envers sa future épouse.

Lorsque la dot est utilisée pour assouvir des besoins d’estime de la société

Mais ce rituel est en train de perdre sa valeur. Il est très fréquent de voir au Mali des parents demander des sommes exorbitantes, entre 500.000 F et X millions. Au Sénégal, tout comme au Gabon et bien d’autres pays, le montant minimal s’élève à 3 millions.

Étant issue de la communauté Sonrai (nord du Mali), il est très courant de voir, lors des mariages dans la famille, une surexcitation des tantes encouragée par les griottes lorsque le futur mari paie une dot qui commence à partir de 500.000 Fca ou plus. La future mariée est heureuse, fière, pas plus que sa maman et ses tantes, qui est relaté par les griottes comme ayant « honoré la famille, comme étant l’enfant bénie ». Les amies de la mariée chantonnent « Sanfain » du chanteur Cheick Siriman Sissoko. Comme si la valeur de la femme ou la bénédiction pouvaient être mesurés sur la base d’une somme d’argent ou d’un bien matériel. Pour certaines futures mariées dont le mari ne verse pas cette somme, elles font souvent objet de moquerie subtile de la part de leurs amies ou de son entourage.

« Comme si la valeur de la femme ou la bénédiction pouvaient être mesurés sur la base d’une somme d’argent ou d’un bien matériel. »

Tandis que la future mariée est sur les nuages, du côté du futur marié, c’est tout un vacarme, après s’être endetté, travaillé dur pour rassembler l’argent, ayant vendu ses biens pour honorer sa fiancée auprès de la société, se sentira propriétaire d’elle, comme s’il venait de conclure la vente d’un bétail. La même chose lors de la fête de la Tabaski lorsque les moutons sont vendus vulgairement chers.

Baba* témoigne : « Je me disais qu’il y a finalement cette notion d’achat déguisée : j’ai payé une dotation, je t’ai acheté, tu es ma propriété donc je fais ce que je veux… Ce qui peut entrainer cette notion de domination voire d’abus de maltraitance. Je t’ai payé et tes parents ont accepté, du coup, tu n’as plus la même valeur qu’au moment où je te convoitais. »

La valeur d’un homme devrait elle se manifester ou être jugée en fonction de son pouvoir d’achat ou de sa capacité à honorer un caprice que certaines familles imposent ?

Lorsque la dot devient source de conflits et de violences

Ce système influe aussi directement ou indirectement sur le ménage, et peut être source de violences conjugales. Ces violences sont d’ordre émotionnelles qui visent à humilier la femme ou au contraire à ne pas faire ce qu’elle veut, avec des commentaires comme : « elle s’est mariée pour le matériel, elle est devenue mienne car j’y ai mis mon argent. » Dans beaucoup d’articles et d’essais publiés sur la question, des victimes racontent qu’à chaque fois qu’un mari les violentait, ce dernier disait, pour la plupart, « mon argent, mes vaches ! ».

Rien ne doit justifier la violence

Il faut retenir que rien ne justifie la violence. Et ce n’est en rien pour justifier la violence, car ce n’est pas parce qu’on paie beaucoup que l’on a le droit de vie ou de mort sur cette personne. La violence étant un cycle infernal de violence émotionnelle, les coups peuvent vite suivre. La société doit comprendre que le mariage est un contrat social où les deux tourtereaux devraient y gagner leur part et non être en défaveur de l’un des deux.

Ce système de dot telle qu’elle se fait en Afrique est parfois critiquée car estimant que l’homme achète sa femme. On reproche également à ce système de fragiliser le futur ménage en lui soustrayant du patrimoine plutôt que de l’aider à se construire en lui en apportant.

Que dit l’Islam sur la dot ? Remettre la dot dans son contexte

La dot est recommandée par l’Islam. « C’est bien une source de bénédiction pour la femme de faciliter son mariage et de demander pour elle une dot modérée » (Ahmed). Dans une autre version, « le mariage qui comporte le plus de bénédictions est celui dont les charges sont les plus réduites. » 

Cet article ne demande pas la suppression de la dot mais de le faire revenir dans son contexte, avec une somme humble, avec un accent sur le fait que la fille sera bien traitée dans son ménage et que les relations entre les deux époux seront basées sur le respect mutuel. Il est important de rappeler que le mariage est un évènement important pour les deux familles et de ce fait, la dot doit plus être un acte symbolique qui ne met pas l’autre famille en position de faiblesse, et une autre en position de force ou de frustré.

Laissez en commentaire vos avis sur la question, des anecdotes, des cas concernant le sujet et vos impressions.

*Pour préserver l’anonymat, le prénom a été modifié

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Commentaires

Doudou
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Tima
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Merci pour cet article parce que la question à la dot fait effectivement partie des causes de la violence psychologique à l'égard des femmes. Il n'est pas rare d'entendre des belle-sœurs dire à une femme "notre frère a donné beaucoup d'argent tu dois nous faire beaucoup d'enfants, tu dois bien prendre soin de lui, etc.

Au Burkina Faso, selon le code des personnes et de la famille le versement de la dot en espèce, en nature ou sous forme de prestation de service est illégal. Cependant dans la pratique les familles perpétuent cette tradition

Aïchatou Sanogo
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Que dire de plus, je suis simplement d'accord avec toi ,triste que la population malienne surtout les dames pensent autrement.
Il faut dire que la plus part des nos dames ne sont pas autonomes une veritable source de ce problème selon ma personne.

Uso
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J'admire le travail et je suis en accord avec les avec l'argumentaire. Notre société doit réellement changer et respecter les valeurs qui étaient sienne jadis. C'est triste de voir combien les mariages se font et défont au fur du temps.. Merci pour ce rappel.

Mawulolo
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Bien écrit...
De tels problèmes dans notre société doivent être portés au grand jour...
Merci de l'avoir fait